samedi 30 mars 2019

Les monts incandescents


        LES   MONTS  INCANDESCENTS

   


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          DOUZE PAYSAGES DE L'ÂME

    
      

   Ces 12 montagnes viennent de mon imaginaire. Je les ai peintes à l'aquarelle.
Elles sont nées d'un seul mouvement, pourrais-je dire, en deux journées bien pleines de peinture!


   Je voulais explorer un nouveau langage, retourner vers une liberté que j'avais mise entre parenthèses, retenter la rapidité, la passion, faire exploser les couleurs, les associer sans la moindre peur...



   Ces douze paysages vont crescendo, puis se dirigent vers une résolution, un apaisement.
J'ai tenté de retraduire leur progression en écrivant à chacune des douze étapes un texte court, libre et imagé.


   Et retracer ainsi ce que fut ma vie ces dernières années: un plongeon dans la douleur et une renaissance, qui me laisse encore tout étonné.

   





   Le thème de la montagne m'a aussi inspiré un texte qui retrace de manière très métaphorique et poétique, ce que pourrait être cette "nuit noire de l'âme", vécue, traversée et vaincue.

   Et le retour à la lumière.




   Comment pouvais-je être mieux accompagné pour illustrer cet élan du cœur, que par les tableaux des grands maîtres du passé?

   Rembrandt, Rubens, Van Dick, Véronèse,
Le Caravage, Cranach, Cézanne, Van Gogh, 
Gauguin, Picasso, Matisse, Kandinsky...

Autant d'Astres éternels au firmament de la peinture...

   

   Ces chefs-d'oeuvre ne font pas partie de leurs tableaux les plus célèbres, mais ce sont de pures merveilles!

    Je suis bien immodeste de mêler
mes aquarelles aux œuvres de ces puissants génies...

   J'ose le faire, en ayant bien conscience que mon travail ne peut se comparer à celui, gigantesque, qui donna naissance à tant de  splendeur.

  Je voue à ces peintres une admiration sans bornes; ils voudront bien me pardonner mon audace de figurer ainsi au milieu de leurs toiles immenses, d'une perfection éblouissante...



   Tous ces incroyables chefs-d'oeuvres viennent des collections du Musée de l'Ermitage, à Saint-Petersbourg. 

   Certainement l'un des musées que j'admire le plus, et que dans mes rêves je voudrais visiter un jour!

  





    Mais avant cela, partons vers ces Monts incandescents. Bien modestement, ils voudraient vous faire voyager un instant, dans un monde qui serait le mien...








"UN PRÉLUDE À LA FERVEUR"

   


   En un pays lointain, s'ébauche un rêve de montagnes. Proches et lointaines, elles tirent leurs force des rouges et des jaunes, et d'un gris qui leur pardonne cette jeunesse. Elles ne sont pas chaotiques, mais bousculées, presque fiévreuses. Et ce jaune tourmenté qui les couronne, ne manque-il pas d'audace, et de joie?
   Un prélude bien agité... Peu s'en faut pour que le calme ne se rompe.

 


"TÉLESCOPAGE COULEURS VIVES"

 

   Il est cette lumière qui déchire le ciel, il est ce bleu presque innocent, ce jaune éclatant comme le soleil des ors anciens.
   Mais il est surtout ce rouge, sur la droite, au bas de la montagne, ce rouge qui ne réconcilie personne. Un rouge à peine contenu dans sa couronne outremer, qui veut prendre toute la place. 
   Sa dissonance rend les couleurs irréconciliables, il envahit tout le tableau...
Il a gagné!




"LIGNE DE CRÊTE"

 

   Le ciel est ici bien trop sombre, bien trop menaçant. 
   Il y avait des promesses de rose, de violet, il y avait comme des nappes oblongues!...
   Mais la ligne de crête a fendu l'horizon de sa douloureuse blessure. Pourquoi l'âme doit-elle toujours se disjoindre?




"JUBILATION SAUVAGE"

   

   Ces couleurs ne sont point à la fête, elles sont proches d'une apocalypse.
   Ah! Pourquoi ai-je mis dans ma vie tant de joie violente! Tant de désordre et de sauvages excès? Je ne me sens vivant qu'emporté par ces fleuves et ces chants! À travers eux je cherche mon chemin. Et je me perds, et je me noie...
   Mes vingt ans se perdent, mais je voudrais tant retrouver leur folie, leur goût de sang!

 


  


"ACMÉ: LIBÉRATION D'UNE PASSION"

  

       L'acmé, cette jouissance, ce paroxysme qui nous fait humain, autant que l'eau, et que le pain...
Cette extase recherchée, cette violence qui contient le germe de la Vie, et pourtant nous tourmente toute une vie... Cette petite mort pour laquelle on donnerait son âme! 
   Elle est notre perte et notre soif, notre quête et notre bataille, autant que notre douloureux  abandon. 

    Elle est cette soif inextinguible, qui ne peut être apaisée que par notre propre joie de fêter le mariage âpre et brûlant des corps enlacés.

   Fêtée, divinisée autant que diabolisée, ceux dont on a voulu faire des dieux l'ont vécue. 
   Jésus, Bouddha, Krishna, vous fûtes, dit-on, des hommes comme nous. Ne l'avez-vous point vécue, cette grâce, cette infamie? N'avez-vous donc pas été consumés comme nous, par ce feu qui fait notre misère et notre gloire?

   




"FACE AUX BRUMES SE DISPERSANT"

     

   Que nous reste-t-il de cet incendie qui fut si bref? Que nous reste-t-il quand l'orage est passé?

 

"LUMIÈRE FAUVE"

 

   Y aurait-il un espoir? 
   Y aurait-il une lumière à l'horizon?
   Y aurait-il quelque chose au-delà de ces forces que nous avons gâchées, de ce miroir qui s'est brisé?

   Y aurait-il au sommet des montagnes, des continents de paix que nous n'avons point encore découverts?
   

 


"AUX LUEURS JE M'ABANDONNE"

 


   Au petit matin tout se tait. 
   Bientôt les premiers oiseaux chanteront la lumière ineffable du printemps. 

   Mystère sans fin de toutes les aubes de la terre. Mystère de ce miracle qui se répète, depuis les temps les plus reculés...

   Quand bien même nous aurions perdu tout espoir. Quand bien même nous aurions renoncé à tout, à la vie, même! Quand bien même notre prochain nous aurait blessé, terrassé; quand bien même nous aimerions déjà connaître la morsure et la paix terrible de la mort:

        LE JOUR SE LÈVE ENCORE.


Et il se lèvera demain encore. Et chaque jour.

 





"LE PARADOXE RÉSOLU"

 

   N'est-il pas déjà une tendresse en ces cimes tutoyant le ciel? N'est-il pas déjà temps de baisser la garde, de n'attendre plus rien, sinon ce que la Vie nous propose?
   N'avons-nous pas suffisamment exigé, demandé, imploré?   
 

"QU'IL EST DOUX DE RÊVER EN CES LIEUX!"

   

   Je voyais des pics infranchissables, ne sont-ce désormais que des collines, qui parsèment le paysage?
   Comme elles sont tendres, et moutonnantes, ces collines regroupées comme un troupeau docile!
   Comme j'ai envie de chanter, maintenant, et de courir sur l'herbe fraîche!
   Comme mes peines sont loin!

   Comme je me sens libre, et proche du ciel, et pourtant amoureusement lové dans les creux d'une terre féconde, que l'herbe joyeuse a habillée pour l'été!

     




"ÉRUPTION DOUCE"

 

   Que nous apprend ce parcours, cette quête, cette soif, cette incertitude qui nous guette?

   Rien. Et tout à la fois.

   La Vie nous apprend à désapprendre, à oublier, à recommencer en ne sachant rien. 
   La Vie n'est pas solutions, elle est contemplation des questions.
   Elle n'est pas réponse, elle est un questionnement qui trouve en lui-même sa propre beauté. 
   Elle n'est pas hasard. Elle est nécessité.

   Elle est l'enfant qui croît, et le vieillard qui ploie. Elle est l'amour qui se déploie, et la paix qui se révèle.
   Elle est aussi la colère sournoise, la faim qui nous taraude, le désespoir qui nous hante.

   Elle est cet instant de grâce, où nous avons crû toucher le Ciel. Elle est aussi les larmes versées... 
   
   Elle est cette nostalgie, qui nous enveloppe au soir, et cet espoir fou qui revient au matin couler dans nos veines!

 

"ALORS QU'ARRIVE ENFIN LA PAIX"

   

    La Paix...

   Sensation merveilleuse, qui ne fait que passer dans nos vies.

   Doux ruisseau qui nous console des torrents passés et à venir.

   La Paix.

 


  

                MES  MONTAGNES

 

   La montagne de ma vie m'est apparue, soudainement. Elle était figée dans les brumes. Elle était immense, majestueuse comme une cathédrale, sa silhouette était imposante, minérale. Ses parois escarpées, ses arêtes vives me défiaient dans le silence.

   Elle m'était déjà apparue par le passé, en de courts instants. Elle était le miroir de mon chemin escarpé. Tantôt je l'avais vue comme un rocher infranchissable, menaçant, tantôt comme une douce colline, accueillant mes espoirs et mes rêves.

   




   Cette montagne était le plus souvent décourageante, insolente. Elle me narguait, et s'imposait à moi.

   J'ai voulu la contourner maintes fois, mais ses pentes me happaient. Crânement, j'ai entamé l'ascension, un jour de courage ou de folie.

     


   Au début, j'exultais! Comme il était fascinant le voyage, belle l'aventure! Comme je me sentais heureux entre ciel et terre! Comme je déployais ma jeunesse et me témérité!



   Aussi grisante fut mon élévation, aussi lourde fut ma chute.

 





  Voilà que mes forces m'abandonnaient: je mordais la poussière. Des larmes amères creusaient sur mon visage leurs sillons de disgrâce. 

  Je trouvais du sens à tout, au temps de ma gloire innocente. Et voilà que le doute et la peur s'étalaient en de lourdes nappes noires sur les décombres de ma vie. L'artiste en moi avait péri. 

   Les journées, et les nuits, me semblaient longues, si longues!

 


   Colère, colère, ta violence m'épuise!
    








   Entre déserts et mornes plaines, les montagnes avaient quitté ma vie. Je n'aurais pas eu la force de les affronter. 

   Et pourtant!

   J'aurais tant voulu détourner le regard des abîmes, et prendre le chemin des cimes...

 

   Mais, tout doucement,  mes pas se sont affermis, mon fardeau s'est allégé. Alors que je n'espérais plus rien, que mon outre était vide, que j'avais arpenté tous les couloirs du désespoir, un vent froid, si bon, m'a caressé le front. 

   Je n'osais y croire!

    


   Ma montagne était là, devant moi! 
   Sa force étincelante, sa puissance et sa beauté sauvage me faisaient oublier les maux de mon histoire. 

 




   Elle se dressait là, devant moi. Sa lumière blanche m'aveuglait.

   Elle était belle comme les neiges bleutées que le soleil fait exister. 

   Elle m'invitait à retrouver le chemin des espoirs fous, elle me disait: "il n'est pas trop tard".

 

    Il n'est jamais trop tard pour que l'âme sente renaître la jeunesse qui bat en elle.

     





     Ma montagne n'est pas simple, elle me fait  peur, me décourage. Elle est toujours trop haute.
Elle se dérobe, puis réapparaît au moment le plus inattendu.

    Elle est capricieuse et intransigeante.


    Mais c'est la mienne. Je l'ai choisie.

   

   La montagne, un peu comme la Vie, n'est visible que lorsque le soleil éblouit ses pentes. Mais, noyée dans les nuages, elle n'a pas pour autant disparu.


         Sa présence reste immuable. 


     Elle est incompréhensible.
     Elle nous échappe.

     







  Mais comme sa beauté nous inspire, quand au matin triomphant, elle émerge des ombres!

 





Jérémie, le 28 mars 2019