jeudi 30 mai 2019

Des visages, ton visage...


  


      DES  VISAGES,  TON  VISAGE...

 


        "Je ne sais où va mon chemin, 
         mais je marche mieux quand 
         ma main serre la tienne."

         Alfred de Musset

 






   J'ai vu des visages, des visages.
J'en ai vus tant!

Je les ai aimés,
puis oubliés.
Je les ai idolâtrés,
je leur ai voué mon âme.

   Leur fraîcheur me bouleversait,
Leur dureté m'effrayait.

  


   Je voulais lire tant de choses, 
dans ces visages 
à mon regard offerts.

Je voulais percer leurs secrets,
pénétrer leurs alcôves,
sonder leurs émois.

   Je voulais, je voulais...

 





    Un visage me semblait déplaisant,
l'autre adorable.
    L'un me plongeait dans ses délices,
l'autre me repliait en mes murailles.

   Mon âme se révélait.
   Fragile! Trop fragile!

   Je donnais mon innocence
en pâture,
je donnais bien trop
de moi.


   Visage ardent de l'amant qui m'enlace,
visage qui me fascine et m'enflamme,
visage des matins de disgrâce,
visages à peine vus, déjà disparus...

 









   Visages, vous me parliez de vous,
   vous me parliez de moi.

    Et je ne le savais pas!
    Non, je ne le savais pas.

  Alors de visage en visage,
  de miroir en miroir:
  je me lassais,
   je m'étiolais.

  



   Vous ne me disiez jamais 
   ce que je voulais entendre!

Vous étiez trop parfaits,
trop indéchiffrables.
Je voulais préserver mon mystère;
un rien trahissait cette ruse.

 





   J'étais dispersé dans les nuages,
   effondré sur mes terres.

   J'étais oiseau dans les airs,
   poisson dans les eaux.

   J'étais lumière 
   qui se blesse,
   j'étais l'abîme et le néant!








   Visages!

Comme j'avais besoin de vous!

J'avais besoin qu'on me dise 
cette chose,
qu'on me la déclame:

           TU  ES  BEAU!



   





   Si beau, si gracieux,
   si homme et si enfant.

   Si lisse et si rêche.
   Si sombre et si blême.

  


   Tu es l'aigle qui s'envole 
   vers les montagnes éblouissantes,
   tu es le chant des baleines,
   la rumeur d'un champ de blé,
   tu es l'affront d'un vent glacé,
   les sueurs d'un été.

    Tu es le début d'un monde,
    la genèse d'un volcan,
    tu es l'amertume des pleurs,
    la fulgurance d'une joie. 


   Tu es la grâce d'un élan,
   et la beauté d'une rose...











Tu n'es rien, et tu es tout.
Tu t'inventes à chaque instant,
tu te corriges et tu te blâmes.
Tu t'innocentes.

  

Tu restes interdit, 
devant ce miroir qui se brise !

Et voilà que tu n'es plus rien,
ton image t'apparaît à jamais morcelée.


 C'est ton visage qui se dessinait,
 dans chacun de ces visages rencontrés.







   C'est ton visage dont je rêvais,
parmi cette foule de portraits...

  C'est toi qui es venu,
  alors que je ne cherchais plus rien,               
  alors que je me noyais dans la brume.


   C'est toi qui m'a sauvé 
      de cette absence,
      de cette douleur.

 









Je ne l'ai pas reconnu tout de suite,
    ce visage qui allait
    mettre ma vie entière aux couleurs du printemps.

 Je l'ai pris pour un tableau 
                            comme un autre.

 Un miroir de plus, un songe,
                                 un espoir ténu.

  


    Mais ton visage est devenu 
    ma consolation, ma douceur,
    ton visage était dans tous mes miroirs.


     Ton visage m'offrait ce qu'aucun 
     autre ne savait:

  la tendresse qui se pose,
  l'amour élisant domicile.


Ton visage donnait un sens à ma vie!

 









Alors, je l'ai appris, ce visage.

Comme une prière, 
un beau manuscrit,
un poème, 
une divine mélodie.

Je l'ai regardé tendrement,
     j'ai suivi d'un doigt léger
     ses douces sinuosités. 


Je l'ai appris par cœur,
      comme on apprend un texte 
      que l'on aime.

J'y ai vu toutes les émotions,
      toutes les gloires.

J'y ai reconnu une force,
      une bonté surtout.







   Comme une source claire 
   jaillissaient de ma bouche,
   les plus beaux mots d'amour.

Mes mots disaient par mille détours,
ce que je croyais pouvoir te cacher.
Mais j'ai fini par le laisser couler 
ce fleuve de mes mots,
qui te disaient mon ravissement,
mon suprême abandon.


   Ton visage est devenu 
   mon leitmotiv,
   mon refrain si doux...


Il n'y a que toi qui me connaisses, 
dans ma lumière et dans mes ombres,
que toi qui détiennes
les secrets de ma vie !


 









   Désormais ton visage se dessine, 
   à mesure qu'y voyagent les émotions.

   Parfois je m'inquiète, quand des ombres 
   passent, des angoisses,
   quand coulent tes larmes, librement. 


Je voudrais vivre cela à ta place,
t'épargner toute peine.

 









Je garderai gravés en moi,
à la tombée de ta nuit,
le miracle et la force de ton visage.

Avant que ne se referment tes yeux,
lorsque mon soleil noir plongera 
loin dans tes océans, 
comme je voudrais caresser encore ton visage, 
si doucement !

Comme je voudrais le toucher et l'adorer,
une seule et dernière fois...


   




Jérémie, le 28 mai 2019

Tous les tableaux illustrant cet article ont été réalisés aux pastels, les portraits sont des chefs-d'oeuvre des grands Maîtres du passé.