jeudi 22 mars 2018

L'esprit de la danse







    L'ESPRIT  DE  LA  DANSE


             

                Un corps offert  à la grâce

  

      "La culture est proche d'une façon d'être, d'un coup de foudre, d'une fête toujours inachevée du bonheur."
                         Jean d'Ormesson

  



  "Le commencement de toutes les sciences, c'est l'étonnement de ce que les choses sont ce qu'elles sont."
                                     Aristote

  



    C'était un soir de Saint Sylvestre.

    En regardant le programme télévisé des fêtes, je vis apparaître sur l'écran une danseuse. Elle était vêtue de blanc et portait un tutu vaporeux. Quelques plumes légères ornaient délicatement sa tête.
  



     Elle glissait sur la scène, de manière irréelle, en effectuant de rapides petits pas sur les pointes. Elle effleurait à peine le sol, déplaçant  les bras de la manière la plus gracieuse qui soit.

      La musique offrait un doux écrin à ce spectacle: "le cygne" de Camille Saint-Saëns.
Un violoncelle déployant une mélodie poignante sur le velours d'un piano.

   



      J'assistais à la mort du cygne.
  


Son chant ultime est aussi le plus beau.
   

      La danseuse peu à peu ralentit son mouvement. Elle s'alanguit doucement, se rapproche du sol en quelques gestes délicats.

Comme pour se préparer au mourir, elle se replie, se lasse et s'abandonne. Ses mains se meuvent encore tels deux papillons égarés. Elle s'immobilise enfin, alors que s'éteint le chant du violoncelle
  


     Le temps s'est arrêté.




    À peine la danseuse apparue, les larmes me sont venues aux paupières, elles n'ont cessé de couler.

       L'émotion de cette scène furtive m'est restée comme un inoubliable souvenir.

       


  La danseuse russe venait d'interpréter à la perfection ce chef-d'oeuvre du répertoire.

   


         Les danseurs étoile portent ce nom merveilleux, "étoile", car avant de franchir ce passage magique qui les propulse au firmament de leur art, ils sont passés par toutes les étapes.

  


     À commencer par les débuts, à un très jeune âge.
        Il ont passé toutes les sélections, tous les niveaux.


    Ils était déjà prometteurs, exceptionnellement doués.

  


      Reste toute une vie de patient apprentissage, de discipline, de maturation de leur don qui ne peut fleurir qu'au prix d'un courage et d'une ténacité, d'une persévérance peu communes.

  


    Sans parler des moments de découragement, des blessures, de l'immense travail quotidien, à commencer par le travail à la barre, chaque matin, pour réveiller le corps et l'amener à être capable de réaliser les mouvements complexes qui sont autant de défis.
      Les sauts vertigineux. Les pirouettes étourdissantes, les porters périlleux.



   Et la douleur.

  
   


     Car lorsque nous voyons les danseurs évoluer avec la plus grande facilité dans un ballet romantique, c'est une offrande qu'ils nous font de leur art, au prix de souffrances physiques que le commun des mortels aurait bien du mal à endurer.
  


   Ils nous font cadeau de leur corps souffrant en silence, pour que la grâce aérienne de la danse paraisse se dérouler comme par enchantement.


  

     Tout parait facile, aisé, léger.


   



   Les danseuses et les danseurs étoile, aussitôt nommés, sont déjà dans la légende.

        Ils s'inscrivent dans une tradition, qui les a portés là où ils sont, et qu'ils servent à leur tour, par leur interprétation propre des grands rôles du répertoire.
  Ils vont danser ces personnages à leur manière, ils vont donner à travers cela ce quelque chose qui les rend uniques. Cette marque qui est la leur, et qui suscite l'admiration de toute une profession, et des amateurs de danse classique.

  



    Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que les danseurs sont des sportifs de haut niveau, des athlètes, même.

    Mais la performance physique se fait oublier lorsqu'ils entrent en scène, car ils sont aussi de fins esthètes, des acteurs, des personnages qu'ils incarnent de manière aboutie.

  


Ce sont des oiseaux de grâce déployant leurs ailes, répandant sur la scène un élixir merveilleux au sein de tableaux aussi complexes qu'idéalement exécutés.

  



    Les danseurs sont les oiseaux miraculeux qui déploient le prodige de leur danse avec la facilité la plus déconcertante.

  



    Et ce faisant, ils sont en permanence sur le fil du rasoir, comme me l'a confié un jour une danseuse.


   Ils savent qu'ils n'ont pas le droit  à l'erreur.


   




    Pour cela, ils doivent fournir un immense travail. Jour après jour ils entretiennent la perfection de leur art.


    Ils montent des spectacles avec de grands chorégraphes, qui vont leur enseigner ce qu'ils attendent d'eux.
    Un travail de fourmi. Chaque geste, chaque attitude sont répétés, ciselés longuement.


    Le geste idéal, le porter bien réalisé, les enchaînements, les pas...



Le ballet prend alors forme, soutenu par la beauté des costumes, du décor et de la musique.

    Spectacle unique, où l'on retient son souffle.


  



    Pour moi l'école russe est inégalable pour l'interprétation des grands ballets romantiques.


   Les danseurs du Kirov ou du Bolchoï se font l'incarnation d'un geste profondément habité.

    Tout le corps parle et chante.
  Splendeur de l'âme russe, poésie de chaque expression.
    Un art unique de l'expressivité portée jusqu'à son plus haut degré.
     Ainsi, comme par miracle, le corps devient un divin prolongement de l'âme.

  


               ALORS NAÎT QUELQUE CHOSE D'UNIQUE, QUELQUE CHOSE DE RARE:

                  LA GRÂCE.


  



     Il existe des compagnies de danse fabuleuses de part le monde, au service de la danse contemporaine également.
    Des spectacles innovants, à couper le souffle.

  


    Mais je suis un amoureux de l'école russe, dans les grands ballets du répertoire.


  

   


    Qui a souffert plus que ce peuple merveilleux?



      La beauté est tout ce qui nous reste.
      L'homme sans liberté s'en abreuve.
      Pour ne pas mourir deux fois.


      

          "Jamais peut-être faire chanter les choses n'a été plus urgente et noble mission à l'homme."
                                       Louis Aragon

  



Jérémie, Équinoxe de printemps 2018


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