TROIS POÈMES DE JEUNESSE
J'ai eu le goût d'écrire très tôt, déjà dans l'enfance.
Mais c'est à l'âge de 27 ans que j'ai commencé à écrire des poèmes en vers libres.
Une forme que je n'ai plus jamais abandonnée.
Un ami à qui j'avais fait lire ces premiers essais, s'est montré d'emblée très enthousiaste.
Quelle chance pour moi!
Si quelqu'un avait accueilli ces confidences de jeune homme de manière beaucoup plus froide, je crois que cela m'aurait dissuadé de poursuivre dans cette voie.
J'ai donc écrit des poèmes par dizaines. Avec un effet libérateur.
Une période de grande détresse, mais aussi d'euphorie enflammée, comme vous allez pouvoir le constater.
Je n'ai jamais compté, mais durant ces
quelques années, j'ai dû en écrire plusieurs centaines.
Je remplissais des cahiers entiers.
J'ai douté de leur qualité pendant longtemps.
Il y a quelques jours, j'en ai retrouvé quelques uns. Avec le recul, mon regard sur ces effusions poétiques a changé. Peut-être suis-je devenu un peu plus indulgent à leur égard...
J'ai décidé de partager avec vous trois poèmes assez emblématiques du style qui était mien durant ces années d'espoirs fous, de détresse, de fougue et d'excès.
LA VIE SANS AMARRES
La voile de mes envies se gonfle
au gré des jouissances folles:
j'aime vivre en cet océan
de tourments ou de joie
en alternances capricieuses.
Ici jaillit un écueil,
là chante une sirène.
Parfois je me noie;
l'expir est sincère,
mais je renais au sommet de la vague,
qui toujours me porte plus haut.
Viens avec moi
sur l'océan de la vie;
sois le navire
ou le frêle esquif,
laisse-toi renverser par les tempêtes,
et inonder de soleil,
quand la mer est un miroir.
Viens avec moi,
nous serons poissons volants
et frégates géantes,
Nous serons tortues majestueuses
et baleines immenses
au sein de la vie,
qui, comme un océan,
dans son sein nous gâte
de présents infinis.
Viens te perdre dans les brumes,
te faire gifler par les embruns,
et marcher sur les eaux,
et sombrer aussi,
jusqu'aux abysses.
Viens, nous irons tous deux
parcourir les étendues bleues,
pour connaître l'ivresse
d'une vie sans amarres.
Jérémie
SILENCE
Bien souvent,
j'ai rêvé d'un insondable silence
où se baignerait mon âme,
en un lac immense.
J'ai vécu comme un guerrier
dardant les armes de la clameur;
mais né dans le silence,
je retournerai au silence.
Car la mort silencieuse du corps
d'où s'élève l'âme,
est un moment sans nom,
sacralité sans tache de l'indicible.
Et vivre de sons épars
me prépare au mourir en silence.
J'aime bruyamment,
je désespère,
j'accueille en chantant le matin,
je pleure doucement,
je ris, gravement,
du cœur qui ne cesse de battre
et qui saigne volontiers.
Parfois, les musiques divines
m'inspirent quelque soupir,
et le silence de mon être
y trouve un repos céleste.
Mais les bruits effroyables
du vacarme des jours
m'arrachent à la torpeur
du bien dormir.
Suis-je vivant,
Pour fêter à corps et à cris
les heures solennelles ou creuses,
et feins-je l'étourdissement
pour mieux me perdre
dans les méandres du désir quotidien?
C'est alors que j'en rêve,
du grand silence
qui n'est pas même un soupir
dans la musique des jours,
mais plutôt une pause
avant l'ailleurs auquel j'aspire.
Ainsi, je pourrai enfin reposer
mon corps malade et laisser
mon âme vagabonde
à ses festins imaginaires
pour retrouver, là-bas,
l'âme gracieuse
de ceux qui sont déjà partis
vers le grand silence...
Jérémie
Juillet 2007
On trouve dans ce poème les thèmes qui m'étaient chers: la mort, la métamorphose, la renaissance. La juxtaposition des opposés.
Vouloir être mort plutôt que vivant tant la souffrance était grande, d'avoir une sensibilité extrême. La tension nerveuse, les émotions violentes et contradictoires.
Souvent les pensées rapides et tournoyantes, l'esprit aussi bien que le corps très agité. Des réactions extrêmes, car j'étais la plupart du temps à fleur de peau.
Trop souvent d'éprouvantes insomnies qui font tout basculer.
Des symptômes d'une maladie terrible, les troubles bipolaires....
Pour finir, un poème exalté qui se termine par une note d'espoir et de lumière.
Je savais peut-être au fond de moi que des heures meilleures allaient un jour apparaître dans mon existence...
RÉVÉLATION
Tristement,
coule le fleuve
des pensées perdues.
Dans la tête-bataille,
Il fait nuit noire:
quand viendra l'aurore?
J'allais défaillir,
quand soudain
il m'apparut,
le messager du grand matin.
Couronné de lumière,
vêtu de pourpre,
il me tint ce discours:
"Enfant, cesse de craindre le jour!
Appelle de tes vœux
la paix du cœur,
l'espoir fécond
et la joie de l'Être.
Plonge dans l'océan
du temps qui s'arrête
quand l'heure présente a sonné.
Et sois uni
à tes aspirations les plus profondes,
afin d'offrir au jour qui naît
un cantique léger
jaillissant de ton âme.
Car ainsi, tu seras béni
et tu trouveras le bonheur."
C'est alors que ma poitrine
se gonfla du souffle de la joie,
et que mon corps
fut inondé d'un sang nouveau.
Je venais de trouver
un Éden au sein de la tourmente:
il n'a jamais été ailleurs
qu'ici et maintenant.
Le messager s'inclina
et disparut, emportant avec lui
le mystère de sa révélation,
et me laissant seul
dans l'ivresse du jour exalté!
Jérémie, 29 02 2008
"Celui qui ne cherche pas ne trouvera pas.
Le fleuve ne coule pas vers les êtres, qui certes le connaissent bien, mais ne désirent pas le rejoindre.
C'est à eux d'aller vers lui, s'ils désirent boire de son eau."
Sainte Hildegarde de Bingen
Jérémie, le 15 avril 2018
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