Sergeï RACHMANINOFF
LA MUSIQUE ROMANTIQUE
À SON APOGÉE
S'il est un compositeur que j'aime depuis toujours, c'est Rachmaninoff.
Sa musique me touche profondément, elle m'emmène en des régions que j'aime visiter: le romantisme, l'âme russe, le piano virtuose.
Sergeï Rachmaninoff était d'abord un pianiste d'exception, sa main était énorme!
On a quelques enregistrements de lui-même jouant ses propres œuvres, c'est touchant de noter à quel point il restait sobre dans l'interprétation.
C'est son deuxième concerto pour piano et orchestre qui m'a bercé pendant des années. Artur Rubinstein en offre une interprétation unique avec la noblesse qui le caractérise.
Le début est impressionnant, avec des basses profondes et expressives, et des accords d'une grande richesse harmonique.
L'une des entrées solistiques les plus admirables de la musique concertante.
Puis c'est sur un déluge d'arpèges que se bâtit une mélodie merveilleusement romantique, ineffable, dont le grand compositeur russe a le secret.
Le deuxième mouvement donne à entendre une sublime cantilène, soulignée par un accompagnement de velours, c'est certainement le mouvement lent d'un concerto romantique que je préfère.
Rubinstein y excelle, par sa sonorité incomparable.
À vrai dire, je ne connais de loin pas toute l'œuvre de Rachmaninoff, certains de ses chefs d'œuvre ont suffi à me nourrir pendant toutes ces années.
Mais, ô surprise! J'ai découvert il y a peu de temps sa sonate pour violoncelle et piano.
Ce chef d'œuvre est en passe de devenir mon morceau préféré.
J'ai découvert la version enthousiasmante de Sonia Wieder-Atherton au violoncelle, accompagnée par Imogen Cooper au piano.
Depuis près de deux mois, je me plonge quotidiennement dans cette sonate exceptionnelle, un pur joyau du romantisme russe.
Le troisième mouvement offre une lente progression de la tension musicale, qui aboutit à un sommet totalement exaltant. Le piano grimpe dans les aigus par de triomphaux accords, pendant que le violoncelle descend, lui, dans les basses, avec une passion graduelle, jusqu'à ce que la tension, croissante depuis un très long moment, déverse sa puissance expressive dans une apogée, je ne peut comparer cela qu'à une immense extase musicale, qui emporte tout sur son passage.
Le flot d'émotions, qui se libère, avec une intensité jamais atteinte dans la musique de chambre, me permet de traverser ce sombre mois de novembre.
Je puise dans cette œuvre exaltante une consolation réelle, je m'y plonge dans les moments de tristesse, ou de sérénité, j'y enfouis mon chagrin, mon désespoir.
Cette œuvre m'aide à vivre. Je puise des forces dans cette passion romantique.
Chaque écoute me rapproche de l'essence de l'œuvre, chaque écoute me libère et me fait aimer un peu plus le compositeur de génie.
Mon amour pour la sonate pour violoncelle et piano est né lors d'un concert à la Cité de la Musique et de la Danse de Strasbourg.
Deux talentueux étudiants l'avaient interprétée, un hiver.
Je me souviens avoir été saisi par cette musique dès les premières notes. Je m'y suis plongé profondément, et c'est à partir du troisième mouvement que je suis rentré dans une extase mystique.
Plus rien n'existait que ce moment, ce violoncelle et ce piano, ce miracle qui m'entourait. Alors que le public retenait son souffle je goûtais à cet instant unique.
Je n'avais plus aucune pensée, seule était la musique, tout mon être faisait corps avec ce que je vivais, il n'y avait en moi plus de commentaires, plus de questions.
J'étais devenu la musique.
Sergeï Rachmaninoff est un romantique tardif. Mais pour moi, cette musique est classique, elle est universelle.
Elle décrit avec une telle force l'emportement, l'espoir fécond, la passion romantique!
Il est le compositeur le plus romantique de l'histoire de la musique.
Il y a une authenticité dans son art de la composition, une sincérité qui fait venir les larmes.
Aimer Rachmaninoff, aimer sa musique qui vient d'un cœur blessé, mais d'un cœur qui aime...
Quand j'écoute sa musique, je parviens mieux à accepter ma propre souffrance, elle m'aide à la transcender.
La musique de Rachmaninoff a fait de la souffrance une puissante mélodie s'élevant au dessus des eaux.
Sa grandeur nous réconcilie avec nous-même.
Jérémie, le 11 novembre 2016