dimanche 30 juillet 2017

Si de ma vie tu t'effaces



  SI  DE  MA  VIE  TU  T'EFFACES


  

   "L'amour comme un vertige, comme un sacrifice, et comme le dernier mot de tout."
                    Alain Fournier



  




Comme une source
Embrassant la mousse,
Tu es le début de ma vie.

Avant toi, l'ombre
M'avait laissé
Le goût de l'inutile:
Avant toi je n'ai pas aimé.

  




Tu me fis voir des charmes,
Des tendresses
Et des heures qui filent.

Avec toi j'ai découvert le sens
De ce que veut dire "Aimer".

   

 

Longtemps je n'ai su saisir
Cette beauté sans fin
Que tu m'offrais.

Maintenant elle est en moi
Comme la plus douce
Des flammes.

Maintenant elle m'illumine,
Tout de toi me donne vie.

   



La fleur me paraît heureuse,
C'est toi qui m'en as
Révélé le sens.

Avec toi les fleurs éclosent,
Avec toi ma vie paraît.

   



Le sens des roses,
De splendeur épanouie;
Tu m'en enseignes la vérité,
Car les roses comprennent,
Elles, ce que nous vivons.

  



J'ai tant besoin de toi!

Je voudrais en une lueur
Saisir l'essentiel de toi,
Et l'emporter avec moi,
Dans l'éternité
Comme un message...

Un seul instant de grâce,
Saisi par notre amour,
Le sens de cette grâce:
Un rire léger qui s'épanouit.

  



Tu es comme le vent
Qui fait frémir mes feuillages...

Depuis bien longtemps
Nous n'appartenons plus
À la folie de ce monde.

Du jour où je t'ai vraiment aimé,
Plus rien n'avait
Cette importance que l'on donne
Aux choses inutiles.

   



J'ai su bientôt
Que tout m'était égal.

Seule comptait ta présence,
Comme un velours
Sur ma peau.


   


Je t'aime comme
Le jour se lève,
Tu m'en as montré
L'importance.

Au lever du jour
Tout est frais,
Tout a encore du sens.

La fraîcheur du matin
Me montre des ruses,
Pour t'aimer mieux que demain.

  



Les soirs de tristesse,
Tu me donnes ta main.
C'est comme Lune
Qui se lève,
Sa lumière blanche
Fait fondre mon chagrin.


  


C'est drôle, je t'aime
Mieux maintenant.

Maintenant que je connais
Tes failles,
Tes rires et tes embruns.

  



La mer n'est pas plus profonde
Que ma tendresse pour toi.

Si des fois je défaille,
C'est par amour pour toi.

Jamais je ne trouverai
Les mots justes
Pour te dire
Les profondeurs
Qui m'amènent vers toi.

  


Si un jour de ma vie
Tu t'effaces,
Oh! Mon amour,
Emmène-moi avec toi...

   


Jérémie, le 26 juillet 2017

lundi 24 juillet 2017

Travail de la Terre

    ••• TRAVAIL  DE  LA  TERRE •••

         •• TRAVAIL  DE  L'ÂME ••

   




  Depuis cet hiver, j'ai la chance de pouvoir participer à un groupe de céramique.

  Nous sommes encadrés et guidés par deux infirmiers, un homme et une femme. Eux-même sont des passionnés du travail de la terre depuis fort longtemps.

  


  Nous avons donc été initiés par deux artistes en la matière, en plus de leur formidable talent dans le domaine relationnel.
  Je connais Catherine et Guillaume depuis des années. Ils m'ont aidé à me remettre d'épisodes aigus vécus à l'hôpital psychiatrique.

  Cet endroit de soins est un lieu de grande souffrance, mais j'y ai trouvé tant d'amour et de respect...
  Sans Catherine, Guillaume, et tous les infirmiers, aide-soignants, agents de service, psychiatres, cadres, psychologues, assistantes sociales, j'en oublie bien-sûr, je ne serais tout simplement pas là aujourd'hui pour écrire cet article.

  Une équipe de professionnels, mais aussi d'êtres humains exceptionnels. Ils m'ont soutenu année après année, épaulé, écouté, rattrapé lorsque je m'en allais loin, loin...

  




   Tous les jeudis après-midi, nous partons pour deux heures, à travailler la terre, à rire beaucoup, à nous ressourcer, aussi.

   Parfois le silence s'installe doucement, pendant que nous sommes concentrés sur les objets qui naissent sous nos doigts.

  


  Souvent j'arrive avec le stress, la tension du quotidien.

  Je me plonge rapidement dans le travail, guidé par les infirmiers, qui nous emmènent à travers différents sujets, nous faisant progresser rapidement au fil des séances. Mes coéquipiers sont eux aussi formidables.

   Le thème du masque, par exemple, nous a occupés quelques séances, comme vous pouvez le voir sur ces photos. Nous avons même été dans une médiathèque pour nous inspirer de livres magnifiques sur les masques des cultures anciennes.

   Le travail de la terre est profondément thérapeutique. Cet élément me guide vers un apaisement bienfaisant.

  





   Sans compter la joie de créer des objets chaque fois différents, selon le thème proposé, selon l'inspiration du moment.

   L'humeur est joviale, nous rions beaucoup, ce qui participe à la détente.
   Plus qu'une détente, il s'agit d'un profond lâcher-prise.

   


            ••••••••••••••••••••••••


  


  La psychiatrie fait peur.

  Combien sont-ils, ceux qui souffrent de maladies psychiques, ces maladies qui souvent ne se voient pas, mais qu'il est terrible de devoir vivre?
   Combien ceux qui chavirent et dont l'entourage souffre tout autant?

   Combien ceux qui supportent des injustices, des difficultés énormes car ils restent souvent incompris, voire stigmatisés?

   




   Je suis atteint de troubles bipolaires depuis l'âge de 18 ans.

    Cela fait 22 ans que je me retrouve très régulièrement hospitalisé pendant de longues périodes.

   J'ai vécu de telles souffrances pendant ces 22 années, qu'il me serait impossible de simplement décrire tout cela. Un gouffre sans fond.
   Je reviens de très, très loin.

   





  Mais j'ai pu développer mes aptitudes artistiques, et c'est grâce à cela que vous pouvez lire les quelques 160 articles de ce blog.

   J'ai appris à vivre avec cette maladie. Je suis d'une sensibilité extrême, ce qui me met très régulièrement à rude épreuve.
    Cela fait partie de moi.
    J'ai une hygiène de vie et de sommeil très rigoureuse.
   Je vis dans le présent car j'ai appris que nous n'avons aucune prise sur le jour qui suit, et même sur l'instant qui suit.

   Nous sommes merveilleusement en suspens dans la beauté tragique du monde.


   La vie peut être très dure, mais j'ai vécu à l'hôpital psychiatrique tant de moments exceptionnels, de partage, de compassion véritable, de solidarité. Des moments vrais.

   J'en demeure riche à jamais.

  


Jérémie, le 21 juillet 2017

lundi 17 juillet 2017

Yehudi Menuhin "Sérénade mélancolique" Tchaikowsky

Yehudi Menuhin "Sérénade mélancolique" Tchaikowsky





   La sérénade mélancolique, dans un autre enregistrement avec le chef d'orchestre Adrian Boult.

   Écoutez le violon de Yehudi Menuhin, qui chante et respire, qui se met au service de l'expression, du chant, qui traduit véritablement les émotions de l'âme.

   Ce violon nous est connu, et nous accompagne. Le grand homme n'est plus. Mais il laisse de nombreux enregistrements, qui témoignent de ce qu'il était: un musicien au service de son art, d'abord et avant tout.


Le violon de Yehudi Menuhin


       

  LE VIOLON DE
               YEHUDI  MENUHIN



   DE  L'AMOUR  ET  DES  LARMES


  



   Celui qui a entendu un jour le violon de Menuhin ne peut l'oublier.

   Combien aurais-je donné pour l'entendre dans le concerto de Beethoven, ce 13 novembre 1987, à Moscou?
    J'avais dix ans. L'âge où j'ai débuté le piano, événement qui allait changer le cours de ma vie.

    Je ne connaissais pas encore Yehudi Menuhin, ou peut-être en avais-je déjà entendu parler?

 




   Mais c'est à 40 ans que j'ai découvert cet enregistrement, sur un coffret de DVD présentant l'exceptionnel travail du cinéaste Bruno Monsaingeon.
    Ses portraits de grands musiciens ont cette tendresse et cette acuité qui les rend uniques.

    Il fallait le talent de Monsaingeon pour capter un moment suspendu
entre ciel et terre.

    Je savais que j'allais entendre du grand violon.

    J'ai entendu le chant des anges.

 

    Le grand, l'immense violoniste, qui dès l'âge de 10 ans jouait dans les plus grandes salles, le jeune artiste qui allait enchanter le monde, devenant un véritable phénomène, ce même violoniste était devenu en 1987 un vieux monsieur.

   L'œuvre débute par quatre coups de timbale mystérieux: peut-on imaginer plus beau début de concerto?

   C'est avec un visage profondément concentré que Menuhin réalise son entrée, quelques octaves brisées menant vers les aigus.
   Tout est là dès les premières notes.

   Menuhin gardera les yeux fermés durant presque tout le morceau.
Son visage si expressif paraît comme en prière.

 



    Je ne saurais décrire ce que j'ai ressenti pendant l'audition du concerto de Beethoven.

    Je sais juste que les larmes se sont mises à couler le long de mes joues.
    Je ne pouvais plus les arrêter.

    C'était comme si le chant infini du violon me lavait de toute souffrance, comme si les larmes perlant à mes paupières faisaient fondre mes dernières résistances.

   Ce vieux monsieur, qui a parcouru un 20ème siècle fait de guerres et d'espoirs, cet homme transmettait à travers son instrument bien plus que de la musique.

 

    Il transmettait son amour de la musique. Son amour, tout simplement.

    Tandis que se déroule l'œuvre, l'inspiration de Menuhin gagne tout l'orchestre, et son chef Gennadi Rozhdestvensky.

    Durant la longue cadence du premier mouvement, la caméra s'attarde sur quelques membres de l'orchestre, subjugués.
Les musiciens sont touchés au plus profond par l'art de Menuhin.
    On peut ressentir leur vive émotion, leur recueillement.

    Se produit alors une véritable osmose entre les musiciens de l'orchestre, le soliste et le chef.
    Une communion comme on en rencontre très rarement en concert.

 




    De longs frissons parcourent tout mon corps.

   Yehudi Menuhin prend le temps pour que chaque note soit chantée, habitée, qu'elle ait le sens qui est le sien dans la phrase musicale.

   Absolument aucune note n'est vide de signification, aucun passage n'est sacrifié à la virtuosité.
   Comme il serait bon que tous les musiciens renoncent à briller, mais soient eux aussi au service de la musique!...

 

    Le mouvement lent, l'un des plus inspirés du compositeur, mais aussi de toute la littérature pour violon et orchestre, est une pure merveille.
   Une seule phrase me vient:

       "Ô temps, suspend ton vol!"

   Le jeu de celui qu'on a appelé "le violon du siècle", est profondément inspiré, naturel, d'une perfection musicale absolue.

   Les quelques incertitudes techniques ne font aucune ombre à la musique.
    Comme j'aimerais entendre moins de perfection de la part des interprètes actuels, mais autant d'émotion, de fantaisie et de magie que chez Menuhin!

 




    L'on dit que le Menuhin des jeunes années était au sommet, mais que plus tard dans sa vie il est devenu moins convainquant.
    Il suffit d'écouter ce concert pour se rendre compte que c'est une profonde erreur.

   Il me semble que c'est plutôt le contraire, et que le Menuhin de la grande maturité nous offre une interprétation qu'une vie entière d'expérience a amenée à maturation.

   Il bénit la salle, avec un pain de vie et d'amour. L'expérience touche au spirituel.

 




    Le rondo, que l'on tend à jouer aujourd'hui aussi vite que possible, Menuhin le prend dans un tempo étonnamment lent.
   Et, miracle! Chaque passage est articulé merveilleusement, chanté, avec une vivacité rythmique proche de la danse.

   J'y ai entendu des cors, des chants d'oiseau, la vie de forêts profondes, le chant vivant de la Nature...

   J'y ai entendu tout ce que nos athlètes-solistes contemporains ne savent plus offrir, sacrifiés qu'ils sont à la ronde infernale des concours internationaux, à cette arène sans âme qu'est devenue la scène musicale.
    Fort heureusement, il est quelques artistes qui savent encore la poésie.

   Mais personne qui ne sache égaler  Yehudi Menuhin, car il faudrait pour cela avoir une once de son humilité.

 




    Le public moscovite salue avec émotion ce moment de grâce vécu en compagnie du maître.

    D'ordinaire, c'est le chef d'orchestre qui présente le soliste au public pour saluer.
    Là, c'est Menuhin, qui conduit avec générosité Rozdhestvensky vers les auditeurs, les yeux brillants de malice.

   Il faut s'être plongé une fois dans le regard du musicien, de l'humaniste.

 

   En guise de bis, il interprète la sérénade mélancolique de Tchaikovsky.

   Un violon qui pleure, ou plus précisément, qui fait pleurer autant qu'il pleure.

   La sonorité du violon de Yehudi Menuhin est reconnaissable entre mille. D'autres sont plus brillants, plus parfaits.
   Mais personne pour faire parler ainsi son cœur.

 

   Deux images me restent avant la fin.

   Captée comme une confidence par la caméra après la sérénade de Tchaikovsky: une femme dans le public tente d'essuyer son visage baigné de larmes.

   L'homme âgé, ému, se penche pour ramasser quelques unes des fleurs qui jonchent la scène.
   Il est reconnaissant, et les tient comme on tiendrait quelque chose d'infiniment précieux.

   Car à la manière dont il regarde les fleurs, on sent qu'il les aime et les respecte.

  



Jérémie, le 12 juillet 2017


BRUNO MONSAINGEON EDITION
    VOLUME 2
YEHUDI MENUHIN
    8 DVD