•• TRAVAIL DE L'ÂME ••
Depuis cet hiver, j'ai la chance de pouvoir participer à un groupe de céramique.
Nous sommes encadrés et guidés par deux infirmiers, un homme et une femme. Eux-même sont des passionnés du travail de la terre depuis fort longtemps.
Nous avons donc été initiés par deux artistes en la matière, en plus de leur formidable talent dans le domaine relationnel.
Je connais Catherine et Guillaume depuis des années. Ils m'ont aidé à me remettre d'épisodes aigus vécus à l'hôpital psychiatrique.
Cet endroit de soins est un lieu de grande souffrance, mais j'y ai trouvé tant d'amour et de respect...
Sans Catherine, Guillaume, et tous les infirmiers, aide-soignants, agents de service, psychiatres, cadres, psychologues, assistantes sociales, j'en oublie bien-sûr, je ne serais tout simplement pas là aujourd'hui pour écrire cet article.
Une équipe de professionnels, mais aussi d'êtres humains exceptionnels. Ils m'ont soutenu année après année, épaulé, écouté, rattrapé lorsque je m'en allais loin, loin...
Tous les jeudis après-midi, nous partons pour deux heures, à travailler la terre, à rire beaucoup, à nous ressourcer, aussi.
Parfois le silence s'installe doucement, pendant que nous sommes concentrés sur les objets qui naissent sous nos doigts.
Souvent j'arrive avec le stress, la tension du quotidien.
Je me plonge rapidement dans le travail, guidé par les infirmiers, qui nous emmènent à travers différents sujets, nous faisant progresser rapidement au fil des séances. Mes coéquipiers sont eux aussi formidables.
Le thème du masque, par exemple, nous a occupés quelques séances, comme vous pouvez le voir sur ces photos. Nous avons même été dans une médiathèque pour nous inspirer de livres magnifiques sur les masques des cultures anciennes.
Le travail de la terre est profondément thérapeutique. Cet élément me guide vers un apaisement bienfaisant.
Sans compter la joie de créer des objets chaque fois différents, selon le thème proposé, selon l'inspiration du moment.
L'humeur est joviale, nous rions beaucoup, ce qui participe à la détente.
Plus qu'une détente, il s'agit d'un profond lâcher-prise.
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La psychiatrie fait peur.
Combien sont-ils, ceux qui souffrent de maladies psychiques, ces maladies qui souvent ne se voient pas, mais qu'il est terrible de devoir vivre?
Combien ceux qui chavirent et dont l'entourage souffre tout autant?
Combien ceux qui supportent des injustices, des difficultés énormes car ils restent souvent incompris, voire stigmatisés?
Je suis atteint de troubles bipolaires depuis l'âge de 18 ans.
Cela fait 22 ans que je me retrouve très régulièrement hospitalisé pendant de longues périodes.
J'ai vécu de telles souffrances pendant ces 22 années, qu'il me serait impossible de simplement décrire tout cela. Un gouffre sans fond.
Je reviens de très, très loin.
Mais j'ai pu développer mes aptitudes artistiques, et c'est grâce à cela que vous pouvez lire les quelques 160 articles de ce blog.
J'ai appris à vivre avec cette maladie. Je suis d'une sensibilité extrême, ce qui me met très régulièrement à rude épreuve.
Cela fait partie de moi.
J'ai une hygiène de vie et de sommeil très rigoureuse.
Je vis dans le présent car j'ai appris que nous n'avons aucune prise sur le jour qui suit, et même sur l'instant qui suit.
Nous sommes merveilleusement en suspens dans la beauté tragique du monde.
La vie peut être très dure, mais j'ai vécu à l'hôpital psychiatrique tant de moments exceptionnels, de partage, de compassion véritable, de solidarité. Des moments vrais.
J'en demeure riche à jamais.
Jérémie, le 21 juillet 2017
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