LA MUSIQUE DE
JEAN-SÉBASTIEN BACH:
Plus belle que le silence...
La musique de Jean-Sébastien
Bach, plus que toute autre, est la musique des sphères, la musique de Dieu.
Pourvue d'une forte armature rythmique, elle avance inexorablement, avec une régularité sans faille.
Par ce fait même, elle est profondément reposante, elle n'éveille pas d'émotions extrêmes. Elle est avant tout une musique spirituelle.
D'une complexité architecturale impressionnante, ses compositions font l'admiration de ceux qui les étudient. La musique du Cantor de Leipzig est absolument parfaite.
Mais cette science de la composition ne dessert jamais la pureté musicale et la beauté mélodique.
Bach, ce sont des paysages, des danses, des fugues magistrales.
On a parlé de "divine tricoteuse" pour décrire la régularité totale et indispensable de toutes ses compositions.
Cette rigueur au niveau de la mesure permet justement que s'élève la mélodie, infiniment variée, sans que jamais l'ensemble ne perde de sa cohésion. Cette manière de créer à l'infini à l'intérieur d'un cadre, et d'une forme très stricte, et codifiée, est fascinante.
Une réflexion sur la Liberté, qui ne prend sens qu'à l'intérieur de certaines règles.
Contrairement à la musique romantique, qui s'épanche longuement en émotions violentes et contradictoires, la musique de Bach reste impeccablement maintenue dans ce cadre de rigueur, et pourtant il s'en dégage de sublimes émotions. Mais ce sont des émotions désincarnées, en quelque sorte.
L'impudeur exaltée des romantiques, fait place ici à une sublimation de l'humain, qui se trouve projeté dans le monde spirituel.
La musique de Bach, pour une bonne part, est dite religieuse, mais j'y vois bien autre chose.
Une aspiration à la paix, à l'ordre, à la beauté.
Un hymne mesuré à l'âme humaine, incarnée dans ce corps souffrant, qui lui fait connaître la joie, mais aussi la douleur.
Bach, à travers ses deux Passions, nous montre ce que fut la vie du Christ. Il nous en donne une lecture qui parle à notre cœur.
Dans la Passion selon St Matthieu, l'air "Erbarme Dich", l'un des plus beaux morceaux de Bach, et de la musique occidentale, me touche profondément.
"Prends pitié de nous". Ce n'est pas une quelconque commisération, dont il est question, c'est un appel déchirant à la compassion. Une prière, pour que Dieu se penche sur notre souffrance d'être vivant sur cette Terre, avec nos fragilités, nos peines immenses, mais aussi cette force incroyable que nous trouvons en nous pour continuer la lutte, et nous relever à chaque fois.
Que nous apprend la musique de Bach sur la condition humaine, celle que nous partageons avec nos compagnons de route, quels qu'ils soient?
Peut-être la densité de ce mystère. Celui d'être en vie. Celui d'un compositeur qui travailla toute sa vie pour écrire cette œuvre colossale, qui inspira toute la musique qui allait suivre. À la confluence du baroque et du romantisme, sa musique est en réalité inclassable, car elle a jailli de sa plume, dépassant tous les modèles antérieurs, pour devenir un langage universel.
Comment un seul homme a-t-il pu
réunir assez de force et d'énergie pour réaliser cette œuvre profondément géniale et inspirée.
Certainement a-t-il aussi douté, parfois.
Certainement a-t-il crié "Erbarme Dich O Herr!", plus d'une fois.
C'est pourquoi, je voudrais dire, ce soir, que quelque soit ce que vous voulez bâtir, dans votre vie, quels que soient les méandres de votre parcours, ne perdez pas courage. Parfois, les grands projets mettent des années à voir le jour.
Que vous ayez 20 ans ou 50, il n'est jamais trop tard.
Ce que vous mettrez au monde, même si c'est quelque chose de tout petit, même si c'est quelque chose de modeste, ce sera votre pierre à l'édifice du monde.
Du compositeur au maçon, de la nounou au berger dans les montagnes, du médecin à la femme de ménage, ce que vous faites avec amour sert à la marche du monde.
Ce n'est pas la teneur de votre action qui compte le plus, c'est l'amour que vous y mettez.
Et ceux qu'on dit inactifs, les jeunes au chômage, les déshérités de notre société, les personnes gravement malades, les gens âgés, les personnes qui passent leur vie à l'hôpital psychiatrique, les réfugiés, les mal-aimés, les exclus, vous êtes encore plus importants. Votre courage, c'est de survivre dans un monde profondément injuste qui oublie votre humanité. Vos souffrances, votre combat, vos larmes, sont comme des graines jetées dans les ronces: elles fleuriront bientôt, et leur splendeur sauvera le monde.
Jérémie, vendredi 22 avril 2016