vendredi 12 janvier 2018

Réminiscences musicales


       RÉMINISCENCES  MUSICALES


                  Au fond d'un rêve




          J'écoutais France Musique en ce début d'après-midi.
  


     Comme il arrive parfois dans la vie, le passé ressurgit sans crier gare.

       Quelques notes ont suffi: et me voilà vers  mes seize ans, feu vermeil de l'adolescence.

  Ce nocturne de Schubert est revenu visiter mon âme avec une force inouïe.
 




   Tout m'est revenu, les accords du piano, le violon qui chante sa mélodie déchirante, les pizzicati du violoncelle...

      Cette musique divine que j'entendais chaque soir, vers minuit, et qui m'emmenait vers le sommeil avec mille tendresses.
 

    Vers onze heures, j'étais au lit. J'écoutais avec délice les chefs-d'œuvre de la musique de chambre. Le tumulte de la journée s'évanouissait.

   Je m'abandonnais peu à peu au bien-être qui précède le sommeil.
 

   C'est alors que résonnaient ces quelques notes, toujours les mêmes, celles de l'émission de la nuit.

    Un Schubert pur et sublime, venait résonner doucement dans mon oreille.
   Je n'écoutais jamais l'émission suivante.





    Après le nocturne, j'avais à peine la force d'éteindre le poste, et sitôt je m'endormais.


   Un rituel presque magique, je n'en connaîtrai jamais de meilleur au cours de ma vie pour me préparer au sommeil.
  

   Tout à l'heure, j'ai été replongé dans cette période si lointaine, par l'évocation de la musique.

     J'aurais pu en pleurer.




 

   Il était là ce jeune homme, plein de rêves et de passion. Ce si jeune homme que la vie avait encore préservé.
     Il ne savait pas ce qui l'attendait.

   Il ne savait pas la folie, les longs mois d'internement, les médicaments, la fatigue, la chambre d'isolement, les angoisses, le désespoir, toute sa vie qui s'écroule soudainement, toute cette innocence à jamais brisée.
  

    Elles reviennent me visiter, ces jeunes années pas si préservées que ça.



     Aujourd'hui j'ai 40 ans.





   Rien n'a changé, au fond.

         Schubert me fait toujours pleurer.




 

  Le plus incroyable, c'est que durant ces 22 années, jamais je n'avais réentendu ce nocturne de Schubert. Pas même une fois.





   L'émotion revient me visiter. Elle est restée intacte.






Jérémie, le 12 janvier 2018

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