ARTHUR RIMBAUD:
IMAGES FULGURANTES
ET PASSION DE LA
JEUNESSE
FLEURS
D'un gradin d'or,- parmi les cordons de soie, les gazes grises, les velours verts et les disques de cristal qui noircissent comme du bronze au soleil,- je vois la digitale s'ouvrir sur un tapis de filigranes d'argent, d'yeux et de chevelures.
Des pièces d'or jaune semées sur l'agate, des piliers d'acajou supportant un dôme d'émeraudes, des bouquets de satin blanc et de fines verges de rubis entourent la rose d'eau.
Tels qu'un dieu aux énormes yeux bleus, et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses.
Poèmes en prose
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BANNIÈRES DE MAI
Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s'enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange,
L'azur et l'onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.
Qu'on patiente et qu'on s'ennuie
C'est trop simple. Fi de mes peines.
Je veux que l'été dramatique
Me lie à son char de fortune.
Que par toi beaucoup, ô Nature,
- Ah moins seul et moins nul!-
je meure.
Au lieu que Bergers, c'est drôle,
Meurent à peu près par le monde.
Je veux bien que les saisons
m'usent.
À toi, Nature, je me rends;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s'il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m'illusionne;
C'est rire aux parents, qu'au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien;
Et libre soit cette infortune.
Les Illuminations
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VOYELLES
A noir, E blanc, I rouge, U vert,
O bleu: voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances
latentes:
A, noir corset velu des mouches
éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs
cruelles,
Golfes d'ombre; E, candeurs des
vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs,
frissons d'ombelles;
I, pourpres, sang craché, rire
des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses
pénitentes;
U, cycles, vibrements divins
des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux,
paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands
fronts studieux;
O, suprême Clairon plein de
strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes
et des anges:
- O l'Oméga, rayon violet
de Ses Yeux!
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AUBE
J'ai embrassé l'aube d'été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes; et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall qui s'échevela à travers les sapins: à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras.
Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. À la grand'ville, elle fuyait parmi les clochers et les dômes; et, courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu de son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil, il était midi.
Poèmes en prose
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La poésie de Rimbaud me fascine totalement.
Ce si jeune homme - à 17 ans il était au sommet, ce tempérament indomptable, révolté, ce diable aux habits d'ange, est désormais considéré comme l'un des plus grands poètes français.
Il est à peine imaginable que ces purs chefs-d'oeuvres aient été écrits par un adolescent, et surtout dans ce
19ème siècle si pudibond et corseté.
Les poèmes de Rimbaud sont pour la plupart sauvagement originaux et sont au service d'un imaginaire fiévreux et passionné.
Ils sont sans concession.
Je suis admiratif des images et métaphores que Rimbaud crée avec une apparente facilité.
Elles sont violentes, les couleurs jaillissent comme du sang, les mots sont associés avec une fantaisie et un génie qui laisse sans voix.
À vrai dire, je ne comprends pas tout dans ces poèmes, je me laisse imprégner par leur musique haletante, désespérée.
J'ouvre mon cœur, et j'entends le cri d'amour et de révolte de cet adolescent tourmenté. J'entends sa profonde détresse.
J'entends l'intransigeance et la pureté de la jeunesse.
Rimbaud cessa d'écrire de la poésie à 17 ans.
Une seconde vie commença pour lui, de commerçant et d'aventurier. Il voyagea dans des conditions parfois très dangereuses, en Afrique et ailleurs.
Il avait tout dit. À 17 ans.
Je vous fais partager quatre de ses œuvres. Il y en a bien d'autres.
Rimbaud était libre, d'une certaine façon. Libre d'être ce qu'il était. Libre de nous interpeler par la violence inouïe, la splendeur de ses mots.
Jérémie, le 25 mai 2017