dimanche 24 septembre 2017

La compassion véritable


  LA  COMPASSION  VÉRITABLE



         "J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence."
                                             Anatole France

   





   Il s'est créé autour de la notion de compassion toute une série de malentendus, si bien qu'on ne sait plus trop ce qu'elle signifie.

   La compassion est, à l'égale de l'amour, parmi les vertus les plus nobles que peut vivre un être humain.

  On fait parfois un distingo subtil entre la compassion et l'empathie, et d'ailleurs cela a contribué à brouiller les pistes.
   Ainsi, l'empathie serait un noble sentiment emprunt de détachement, et la compassion ferait souffrir car on souffre avec l'autre, on ne serait pas dans une "juste distance".

   J'ai travaillé plus de 10 ans dans les hôpitaux comme aide-soignant, je n'ai jamais trouvé "la juste distance".
  D'ailleurs, cela m'a été vigoureusement reproché.







   Cette distance devient souvent une manière de se protéger derrière une armure qui se crée au fil des épreuves vécues en ayant peut-être accordé trop d'attention à l'une au l'autre personne, et d'en avoir été blessé.

   Alors on devient d'une extraordinaire froideur, on porte un masque bien ajusté, mais le cœur s'est durci.
   On joue son rôle.

   Travailler avec des personnes souffrantes est très difficile. La compassion serait pour moi ne pas se brûler les ailes, bien que ce soit fatalement ce qui arrive au début, mais en même temps de ne pas fermer son cœur!
   La fameuse distance thérapeutique est à mon sens un leurre.
  On ne la trouve jamais.


  


   Il est des collègues qui disaient fièrement qu'en enfilant leur blouse blanche en début de poste, ils laissaient toute leur vie derrière, pour ne se consacrer qu'à leurs patients.
   Comme ce serait commode de pouvoir faire cela!
   Devenir un parfait robot de la disponibilité parfaite.

  Mais nous sommes faits d'émotions.
   Et combien douloureusement vient nous toucher l'histoire, la souffrance de ceux que l'on soigne!
   Nous ne pouvons rester de marbre!

   ...à moins d'avoir enfilé cette fameuse blouse blanche, protection absolue...

   Si nous voulons traverser notre vie à l'abri de ce qui fait notre sensibilité, notre fragilité, notre générosité, alors nous le pouvons. Nous taisons les appels de ce cœur vibrant en nous.

   Nous choisissons de claquemurer cette sensibilité à l'intérieur d'épaisses murailles.

   Nous croyons être "protégé".

   En réalité, nous sommes alors déjà mort.


   





   J'ai toujours été blessé et surpris par ceux qui me faisaient comprendre , alors que je leur parlais d'un être cher qui va mal, qu'il "ne faut pas que je sois atteint par cela", qu'il faut rester "en dehors de la situation", que c'était "son histoire et pas la mienne".

    J'ai dû passer moi-même par beaucoup de souffrances pour comprendre à quel point ces paroles sont vides.
   Ce sont de belles théories qu'on trouve dans les livres de développement personnel.

  Quand on aime vraiment quelqu'un, ON NE PEUT PAS RESTER INSENSIBLE À CE QU'IL VIT.

  Sa souffrance devient notre souffrance.

  Le fameux détachement est une notion qui est souvent bien mal comprise.




   Le détachement ne signifie pas qu'on doit se positionner du haut de son ego spirituel et considérer avec une certaine indifférence, que "tout cela ne nous atteint plus".

  En somme, nous serions devenu une sorte de grand thérapeute, qui dispense ses conseils, qui explique ce qu'il faut faire, ce qu'il ne faut pas faire etc.

  Croyez-moi, le jour où la personne que vous chérissez le plus au monde, sera atteinte de quelque chose de très grave, vous quitterez rapidement cette prétentieuse attitude: vous serez fou d'inquiétude.

   Et si ce n'est pas le cas, vous devriez vous inquiétez sérieusement: soit votre carapace est déjà bien impénétrable, soit vous n'aimez pas vraiment cette personne.


  

     "ARRIVÉ À LA FIN DE CE QUE TU DOIS SAVOIR, TU ES AU SEUIL DE CE QUE TU DEVRAS RESSENTIR."
                                  Khalil Gibran

       




   Ce sont les émotions qui nous rendent vivant, vibrant, palpitant!

   Ne soyez pas de ceux qui vivent dans leur tête. Ils analysent tout, il croient être maître de la situation en bloquant tout forme de spontanéité, en passant leur temps à dire aux autres ce qu'ils devraient faire, en les jugeant aussi sévèrement qu'ils se jugent eux-même, tout en ne s'en rendant même pas compte.

  

       SOYEZ  VIVANT!



    Soyez de ceux qui se soucient, pleurent, se mettent en colère, espèrent, se trompent, rient aux éclats!!

   Ne soyez pas déjà mort avant d'avoir vécu!

  

       "C'est la sincérité qui rend tous vos actes beaux et honorables"
                         Khalil Gibran

          


   Tant pis, vous vous ferez juger par ceux que les vraies émotions dérangent, car ils sont trop préoccupés à contrôler les leurs.

  Vous leur renverrez une vérité, une sincérité qu'ils n'aiment pas, car ils sont trop occupés à leurs livres spirituels, leurs stages, et leurs soins.
    Ils cherchent à prouver aux autres qu'ils sont de belles personnes angéliques.
   Ils ne veulent surtout pas "baisser leurs vibrations"...

  Allez dans les hôpitaux, les hôpitaux psychiatriques, les endroits où il y a des toxicomanes, des prostituées, dans les prisons, dans les taudis...
Vous verrez qu'en étant au contact de la misère humaine, vos vibrations grimperont bien plus vite qu'en restant bien entre vous, dans vos méditations et vos groupes, bien entre vous, alors que tant de gens à vos portes crèvent du manque d'amour.

    





  Alors, oui, la compassion véritable, on ne la trouve pas toujours où on croit.

  Si vous pensez que les religieux d'aujourd'hui sont les pharisiens d'autrefois, prenez garde à ne pas devenir vous-même une nouvelle sorte de pharisiens...

  

  L' Amour vécu dans toute sa vérité nous rend vulnérable et fragile.

 Non, nous ne sommes pas immunisés contre le chagrin, la douleur, l'abandon.
  Et fort heureusement!

  Croyez-vous que nous soyons venus sur Terre pour devenir de nouveaux missionnaires du
Nouvel-Âge?
  Ne pensez-vous pas que la Terre est fatiguée de ce nouveau prosélytisme qui ne dit pas son nom?

  Croyez-vous que nous n'avons pas assez de choses à régler dans notre vie pour ne pas nous préoccuper sans cesse de convaincre tout le monde de "la nouvelle vérité meilleure que toutes les autres"?

  Est-il une seule vérité qui vaille la peine de croire un instant qu'un nomade musulman du désert du Caucase serait moins "ascenssionnable" que nous parce qu'il n'a pas lu les livres de Lise Bourbeau?

  Et cette mère mexicaine illettrée qui vient de voir sa maison s'effondrer est-elle moins spirituelle que nous pour n'avoir jamais entendu parler du Reiki?

  Si demain vous deviez tout perdre, maison, voiture, amis, famille, seriez-vous encore dans votre beau détachement?


 

       


    "Rien n'est jamais acquis à l'homme, ni sa force, ni sa faiblesse,
ni son cœur."
                           Louis Aragon



Jérémie, Équinoxe d'automne.

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